La définition d’Etiemble convient parfaitement à Regis Debray : cet intellectuel est un emmerdeur.
Moins bien coiffé que les rejetons de Sartre, moins fixe dans la pose, ce sexagénaire conserve son air de vouloir en découdre avec le destin, celui qui l’a mené en Bolivie sur la trace de l’absolu héroïque tout en le faisant naître dans cette génération gâtée des trente glorieuses. Bien sûr, il a vieilli, et l’activiste de gauche ne se retrouverait peut-être pas toujours dans le laudateur de De Gaulle [1]. Mais cet universitaire agité, plus apte à la médiologie qu’à la médiation, sait ne pas verser dans le conservatisme acariâtre. S’il grogne c’est avec humour, raillant sa mauvaise foi en refusant le jeunisme.
Avec Rêveries de gauche [2] il se livre à un étonnant essai de prospective sur ce qui est advenu. C’est-à-dire que son livre, publié avant l’échéance électorale, a osé certifié la victoire des socialistes à la présidentielle de 2012 pour mieux se demander si c’est celle de la gauche. Car la gauche de Debray a des accents jauressiens, rocailleux et cultivés. Comme elle, elle est visionnaire.
[1] A demain De Gaulle, Gallimard
[2] Rêveries de gauche, Flammarion