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Fumeuse vacuité

En octobre 2012 Vincent Peillon commit un crime, non pas celui de parler plus vite que sa réserve de ministre, pas davantage d’exprimer une conviction là où sa fonction l’oblige à mesurer ses propos ; le crime du ministre de l’éducation nationale fut de maîtriser la langue française. Erreur fatale de communiquant, il développa une idée. Pensez : un ministre qui se met à faire des phrases, tout couturées de nuances, de subordonnées et de précautions suggérées. Le fruit du délit est impossible à entendre, au contraire comme toute bonne sortie orale, elle est commentée et réduite à une formule : le ministre de l’éducation nationale veut dépénaliser le cannabis. Ce qu’il a dit réellement :

"Je suis étonné, parfois, du côté un peu retardataire de la France, sur un sujet qui pour moi est d’ampleur. Il y a une économie parallèle dans ce pays, c’est l’économie de la drogue."

"On peut lutter par les moyens de la répression, je suis absolument pour. Mais en même temps je vois que les résultats ne sont pas très efficaces. Donc cette question est posée et je souhaite qu’on puisse avancer sereinement. J’ai vu que l’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant avait posé ce débat, je lui avais donné raison à l’époque, je le fais encore aujourd’hui".

Ce qu’on en retient ? De l’irresponsabilité ! Car finalement ce n’est pas le contenu de son propos qui intéresse, mais son usage possible dans le champ de la communication. Le citer in extenso dans les média audio est impossible sans coupure musicale ou publicitaire. En débattre sur le territoire des idées ce serait accepter de faire de la politique, et ça personne n’en veut, pas plus le 1er ministre, qui est là pour administrer, que l’opposition, qui n’est plus là mais garde le nez sur son compteur d’audience.

Le moindre flic de quartier sait parfaitement que cette "économie parallèle" est une évidence au point qu’il est difficile de savoir si elle est devenue un régulateur social ou un facteur de criminalisation des quartiers et des populations en rupture de ban. Qui a passé un peu de temps en maison d’arrêt n’a pas besoin d’une étude sociologique pour voir que ce "marché" expédie les petits fournisseurs en cabane, tandis que les consommateurs préparent leurs cours ou chroniquent le dernier "couac" du gouvernement. Le dire ou l’écrire, en forçant le trait ou non, ne signifie pas qu’on incite la jeunesse à l’usage des stupéfiants. En revanche continuer de laisser croire que les consommateurs sont des pré-délinquants, des marginaux ou de pauvres hères sans repère c’est refuser de regarder le problème tel qu’il se présente réellement.

Aucun lycéen sensé n’est dupe de ce discours prude qui empêche de chercher vraiment des solutions. Et d’ailleurs le crime de cette phrase est de laisser croire qu’un ministre en fonction peut engager un débat sans se contenter d’une discussion périphérique. Toute cette fumeuse débauche d’indignations visait surtout a mouillé le pétard avant qu’il ne s’expose.