De Bialot je ne sais pas grand chose, à part ses livres. Bialot c’est la vie, la vie intense et débordante, un peu gouailleuse, un peu grandiloquente, une vie qui n’en finissait pas de s’ébrouer après l’épreuve de la déportation [1].
Joseph Bialot avait fait partie de ceux qui ont mis plusieurs décennies pour raconter ou trouver une manière de dire cette étrange expérience. Les pages étaient courtes, percutantes, avec cet arrière fond d’humour qui jalonne tous ses livres. Polars, sagas, fleurent l’envie de bouffer tout ce qui éloigne la mort. Les femmes y sont belles, fortes, sensuelles, les flics artificiels, l’art envoûtant. Clair-obscur, landes brumeuses, lumières excessives traquent la beauté de chaque chose, quand même le pavé exhale des parfums d’appétits mesquins.
Avant de partir Joseph a publié un long roman médiéval en format de poche [2]. Les deux vendeuses de livres à qui je l’ai demandé ont eu du mal à orthographier le nom de l’auteur. Il est alors parti un peu plus loin, du côté de ceux qui appartiennent à une autre époque. Avec lui Paris fleurait le film noir où courait Ventura, Montreuil fournissait des fruits aux marchés de la capitale et Montmartre se souvenait de la Commune.
A sa lecture, les envies, comme l’hiver, s’allongent, interminablement, irrémédiablement, en refusant de céder le pas à la vacuité, à l’incompétence, à l’entretien des superficialités.
Monsieur Joseph doit bien rigoler encore, avec ceux qui n’ont pas la nuque souple, ses amis de la poésie contendante.
[1] C’est en hiver que les jours rallongent, Le Seuil
[2] Le puits de Moïse est achevé, Payot Rivages